Stylisation & Symboles

Souvent, quand on critique un jeune dessinateur sur son dessin, il arrive qu'il nous réponde "Ouais, nan mais c'est parce que c'est mon style ça" pour justifier des erreurs ou des maîtrises plus qu'hasardeuse en terme de stylisation ; pour faire simple il a essayé de rendre un effet qui ne fonctionne absolument pas et n'est pas compris par le lecteur. Et si on gratte un petit peu on se rend compte qu'il reproduit ce qu'il a déjà vu quelque part (Et ce n'est pas une tare, hein ! Bien au contraire !). Ce ci nous amène au sujet de cet article : Quelle est le frontière entre la stylisation voulue d'un dessin et la pollution de nos représentations mentales de divers sujets par les symboles ?

Je suis conscient que je ne suis peut-être pas très clair jusque-là mais vous allez très vite comprendre le sujet abordé ici. Nous allons d'abord poser les deux définitions en dessin des termes du titre.

Stylisation : Styliser un dessin c'est le simplifier au maximum sans que cela dénature le sujet représenté. C'est-à-dire qu'on garde tout ce qui définit le mieux, ou suggère le mieux la forme, la texture, le comportement parfois d'un objet. En pratique quand on dessine une cote de maille on ne va pas se fader toutes les mailles à représenter fidèlement, on va trouver un moyen de suggérer ces mailles via des phrases de remplissage, on va donc styliser cette cote de maille.

Symboles : La définition exprimée ici l'est pour les représentations graphiques. La symbolisation c'est la stylisation poussée à son maximum, on épure au maximum pour ne garder que l'idée générale qui transmet l'information. Un exemple ultra connu c'est le stickman qui est représenté sur les panneau dès qu'on doit mettre un être humain en scène (Un exemple : Le panneau indiquant des toilettes ). Il se peut aussi parfois que le symbole soit totalement non figuratif mais très encré dans l'esprit des gens (Le symbol de la radio-activité par exemple).

Je pense qu'après ces définitions, ça éclaire un peu plus votre lanterne sur ce qu'on va aborder ici. Eh oui ! Nous sommes pollués par les symboles et c'est d'autant plus vrai en dessin et la raison est simple à comprendre, un symbole est plus facile à dessiner que le réel, il est réduit à la plus simple expression de ce qu'il représente. On dessine des symboles par facilité, par flemme ou (et c'est plus souvent le cas) parce qu'on n'a pas pris la peine d'observer l'objet réel pour y appliquer notre propre stylisation. Entrons dans le vif du sujet :

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Ces symboles peuvent vous amener à créer des aberrations dans vos BD voire des incohérences flagrantes par rapport à l'univers engagé. Un autre exemple se symbole qui a la peau dure en dessin, c'est le téléphone. Il doit y avoir plus de 20 ans que les téléphones à cadran avec le gros combiné posé sur le dessus (un truc du genre) a disparu, certains jeunes dessinateurs ne l'ont même jamais connu en exploitation mais on continue à le représenter comme ça dans certaines BD (et pas les BD historiques ou se passant il y a 20 ans, bien sûr). Aujourd'hui le téléphone ne ressemble plus du tout à ça (et avec l'avènement du portable c'est encore plus flagrant) et pourtant sur les lettres à entête des entreprises on voit toujours ça . Observez votre téléphone fixe et dessinez-le ! Idem pour votre mobile et vous verrez que ce symbole est dépassé.

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Autre grande star des symboles, le nuage en forme de mouton (et c'est même une gageure, car un mouton n'a jamais ressemblé à ça ^^). Quand on regarde des nuages, même très cotonneux, ils n'ont pas cette forme, pourtant on symbolise à mort très souvent. Le nuage stylisé du milieu ressemble davantage à un nuage que le symbole, non ? Et pourtant j'ai fait ça à l'arrache, mais une fois ombré et mis en volume il aura plus de gueule que le truc symbolisé.

Un objet qui risque de rester symbolisé à tort pendant des années c'est la télévision, on a encore l'image de la bonne grosse télé profonde (avec les coins ronds en plus), la forme de l'écran plat n'est pas encore dans l'imaginaire collectif et puis comme ça, ça différencie la télévision d'un tableau.

Vous l'aurez compris, styliser les représentations que l'on fait est tout-à-fait normal (à moins de faire dans l'hyper-réalisme), mais stylisons d'après nature, ne prenons pas des stylisations toutes faites qui sont tellement stylisées d'ailleurs qu'elles en sont devenues des symboles. Il ne vous viendrait pas à l'idée de faire une BD entière avec des stickmen type pancarte de toilettes (encore que si c'est votre délire/concept du moment ça se défend), vous imaginez Mourier qui raconterait Lanfeust comme ça ? Tout l'intérêt de notre passion est de styliser, d'interpréter ce qu'on voit et la manière avec laquelle vous stylisez amène votre style. Le fameux sacrosaint style que chaque dessinateur cherche à maîtriser, dompter et rendre de belle manière sur la feuille. Ne devenez pas des peintres de panneaux d'information ! Et arrêtez de dessiner des téléphones avec des gros combinés !